Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/456

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grand souffle passait, tel qu’un vent d’anxiété agitant les têtes. Des gens s’étaient mis debout, d’autres laissaient échapper de légers cris involontaires. Et le chef du jury, un gros monsieur, à la face rouge et large, dut attendre, avant de prendre la parole.

D’une voix aiguë, un peu bredouillante, il déclara :

— Sur mon honneur et ma conscience, devant Dieu et devant les hommes, la réponse du jury est : sur la question d’assassinat, oui, à la majorité.

La nuit était presque venue, lorsque, de nouveau, Salvat fut introduit. En face du jury, effacé dans l’ombre, il apparut, debout à son tour, le visage éclairé par le dernier rayon tombant des fenêtres. Les juges eux-mêmes disparaissaient, leurs robes rouges semblaient noires. Et quelle vision que ce visage de Salvat écoutant, maigre, décharné, avec ses yeux de rêve, tandis que le greffier lui donnait lecture de la déclaration du jury !

Il comprit, quand le silence retomba, sans qu’il fût question des circonstances atténuantes. Sa physionomie, qui gardait une expression d’enfance, s’éclaira.

— C’est la mort. Merci, messieurs.

Puis, il se retourna vers le public, il tâcha de retrouver, au fond de l’obscurité croissante, les visages amis qu’il savait être là ; et, cette fois, Guillaume eut la sensation nette qu’il l’avait reconnu, qu’il lui envoyait encore un salut attendri, toute cette gratitude qu’il lui gardait pour le morceau de pain reçu en un jour de misère. Mais il avait dû saluer aussi Victor Mathis, car, derrière lui, Guillaume vit de nouveau le jeune homme, qui n’avait pas bougé, les yeux dilatés et fixes, la bouche terrible.

Le reste, la dernière question posée, la délibération de la Cour, le jugement rendu, tout fut couvert par la houle qui agitait la salle. Un peu de pitié s’était faite inconsciemment, il y eut quelque stupeur dans la satisfaction qui accueillit l’arrêt de mort.