Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/466

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

N’était-ce pas la solution digne d’eux ? une explication sincère, qui leur permettrait de prendre ensuite un parti. Il s’endormit, il se leva brisé, le matin, mais plus tranquille, comme si tout un travail sourd s’était fait en son cœur, après un tel orage, pendant ses quelques heures de sommeil.

Ce matin-là, justement, Marie était très gaie. La veille, elle avait fait, avec Pierre et Antoine, une longue promenade à bicyclette du côté de Montmorency, par des chemins atroces, et dont ils étaient revenus furieux et ravis. Lorsque Guillaume l’arrêta dans le petit jardin, elle le traversait en chantonnant, les bras nus, de retour de la buanderie, où s’achevait une lessive.

— Vous avez à me parler, mon ami ?

— Oui, chère enfant, il faut bien que nous causions de choses sérieuses.

Elle comprit qu’il s’agissait de leur mariage, elle devint grave. Ce mariage, elle l’avait accepté autrefois comme le seul parti raisonnable qu’elle avait à prendre, sans ignorer rien des devoirs qu’elle contractait. Sans doute, elle épousait un homme d’une vingtaine d’années plus âgé qu’elle. Mais c’était là un cas assez fréquent, qui tournait plutôt bien d’ordinaire. Elle n’aimait personne, elle pouvait se donner. Et elle se donnait dans un élan de gratitude, d’affection, d’une telle douceur, qu’elle crut y sentir la douceur même de l’amour. On était si heureux, autour d’elle, de cette union, dont le lien plus étroit allait resserrer la famille ! Toute sa bravoure, toute sa gaieté à vivre, qui étaient son charme, l’avaient comme grisée, à l’idée de faire ainsi du bonheur.

— Qu’y a-t-il donc ? demanda-t-elle un peu inquiète. Rien de mauvais, je pense.

— Non, non… Simplement quelque chose que j’ai à vous dire.

Il l’emmena sous les deux pruniers, dans le seul coin