— Allons, c’est bien, tout est fini… Embrassons-nous, frère, et je pars.
— Tu pars ? Pourquoi ?… Tu vas rester avec nous. Rien n’est plus simple, tu aimes Marie, et elle t’aime. Je te la donne.
Il eut un grand cri, il leva ses mains éperdues, dans un geste de ravissement épouvanté.
— Tu me donnes Marie, toi, frère ! toi qui l’attends depuis des mois, toi qui l’adores !… Oh ! non, oh ! non, cela m’écraserait trop, cela me terrifierait, vois-tu, comme si tu me donnais ton cœur lui-même, ton cœur saignant, arraché de ta poitrine… Non, non ! je ne veux pas de ton sacrifice.
— Mais puisque Marie n’a pour moi que de la gratitude et de l’affection, puisque c’est toi qu’elle aime d’amour, veux-tu donc que j’abuse de l’engagement qu’elle a pris, inconsciente, et que je la force à un mariage où je ne l’aurais pas tout entière ?… Et je me trompe, ce n’est pas moi qui te la donne, c’est elle qui s’est donnée, sans que je me reconnaisse le droit d’empêcher ce don.
— Non, non ! jamais je n’accepterai, jamais je ne te causerai cette douleur… Embrasse-moi, frère, je pars !
Alors, Guillaume le saisit, le força de s’asseoir près de lui, sur un vieux canapé, qui se trouvait au coin du vitrage. Et il grondait, il finissait par se fâcher, avec un sourire de bonhomie souffrante.
— Voyons, nous n’allons pas nous battre, tu ne vas pas m’obliger à t’attacher, pour que tu restes ici ?… Je sais bien ce que je fais, que diable ! J’ai réfléchi avant d’en causer avec toi. Sans doute, je ne te dirai pas que j’ai la joie dans l’âme. Oh ! d’abord, j’ai cru que j’en mourrais, je t’aurais voulu au fond de la terre. Et puis, quoi ? il m’a bien fallu être raisonnable, j’ai compris que les choses s’étaient arrangées le mieux du monde, dans leur ordre naturel.