Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/523

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voilà le mariage de ma fille aînée retardé encore, je ne sais plus où donner de la tête.

Puis, voyant que ses malheurs personnels ne le touchaient nullement :

— Pour vous-même, mon cher collègue, pour vous-même… Car enfin, cet article, Duvillard le connaît, et il tient d’autant plus à le voir paraître dans le Globe, qu’il le sait plus élogieux. Réfléchissez, il rompra certainement avec vous.

Un instant, Fonsègue garda le silence. Songeait-il à la grosse affaire du Transsaharien ? Se disait-il que ce serait dur de se fâcher à ce moment, de ne pas avoir sa part, dans la prochaine distribution aux amis fidèles ? Mais sans doute une idée d’attente et de prudence l’emporta.

— Non, non ! je ne puis pas, c’est une question de conscience.

Cependant, les félicitations continuaient, il semblait que tout Paris défilât, et toujours les mêmes sourires, toujours les mêmes poignées de main. Très las, les deux mariés, les deux familles devaient garder leur air d’enchantement, contre le mur où la cohue avait fini par les serrer. La chaleur devenait insupportable, une fine poussière montait, comme sur le passage des grands troupeaux.

La petite princesse de Harth, attardée on ne savait où, on ne savait à quoi, surgit brusquement, se jeta au cou de Camille, embrassa Ève elle-même, garda la main de Gérard dans les deux siennes, en lui faisant d’extraordinaires compliments. Puis, ayant aperçu Hyacinthe, elle s’en empara, l’emmena dans un coin.

— Dites donc, vous, j’ai quelque chose à vous demander.

Hyacinthe, ce jour-là, était muet. Le mariage de sa sœur lui semblait une cérémonie méprisable, d’une vulgarité sans nom. Encore une, encore un, qui acceptaient cette sale et grossière loi des sexes, éternisant l’absurdité