Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/55

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— Eh bien ! mais, je ne refuse pas de vous y conduire, reprit la baronne. Avant d’aller chez la princesse, nous pouvons passer par cette Exposition.

— C’est cela, c’est cela ! dit vivement Camille, qui plaisantait durement d’ordinaire les peintres symbolistes, mais qui devait projeter d’attarder sa mère, avec l’espoir encore de lui faire manquer le rendez-vous.

Puis, s’efforçant de sourire :

— Vous ne vous risquez pas au Lis avec nous, monsieur Gérard ?

— Ma foi, non ! répondit le comte, j’ai besoin de marcher. Je vais accompagner monsieur l’abbé Froment jusqu’à la Chambre.

Et il prit congé de la mère et de la fille, en leur baisant la main à toutes deux. Pour attendre quatre heures, il venait de songer qu’il monterait un instant chez Silviane, où il avait ses petites entrées, lui aussi, depuis qu’il y était resté un soir à coucher. Dans la cour vide et solennelle, il dit au prêtre :

— Ah ! ça fait du bien, de respirer un peu d’air froid. Ils chauffent trop, chez eux, et toutes ces fleurs portent à la tête.

Pierre s’en allait étourdi, la fièvre aux mains, les sens lourds de tout ce luxe, qu’il laissait là, comme le rêve d’un brûlant paradis embaumé, où ne vivaient que des élus. Son besoin nouveau de charité s’y était d’ailleurs exaspéré, il ne réfléchissait qu’au moyen d’obtenir de Fonsègue l’admission de Laveuve, sans écouter le comte qui lui parlait très tendrement de sa mère. Et, la porte de l’hôtel étant retombée, ils avaient fait quelques pas dans la rue, lorsque la conscience d’une brusque vision lui revint. N’avait-il pas vu, au bord du trottoir d’en face, regardant cette porte monumentale, close sur de si fabuleuses richesses, un ouvrier arrêté, attendant, cherchant des yeux, dans lequel il avait cru reconnaîtra Salvat, avec