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Thomas, qui s’était arrêté devant l’atelier de Jahan, désigna du doigt une de ces portes, par où l’on descendait dans les travaux de fondation.

— Vous n’avez jamais eu l’idée de visiter les fondations de la basilique. C’est tout un monde, et rien n’est plus intéressant… Vous savez qu’ils y ont englouti des millions. Il leur a fallu aller chercher le bon sol au fond de la butte, ils ont creusé plus de quatre-vingts puits, dans lesquels ils ont coulé du béton, pour poser leur église sur ces quatre-vingts colonnes souterraines… On ne les voit pas, mais ce sont bien elles qui portent, au-dessus de Paris, ce monument d’absurdité et d’affront.

Pierre s’était approché de la palissade, s’oubliait à regarder derrière, une porte ouverte, une sorte de palier noir, d’où s’enfonçait un escalier. Et il rêvait à ces colonnes invisibles, à toute l’énergie têtue, à toute la volonté de domination qui tenait l’édifice debout.

Thomas fut obligé de le rappeler.

— Hâtons-nous, voici le crépuscule. Nous ne pourrions plus rien voir.

Antoine devait les attendre chez Jahan, qui désirait leur montrer une maquette nouvelle. Quand ils entrèrent, les deux praticiens travaillaient encore à l’ange monumental, dont ils achevaient, en haut d’un échafaudage, de dégrossir les ailes symétriques ; tandis que le sculpteur, assis sur une chaise basse, les bras à demi nus, les mains tachées de terre glaise, était absorbé dans la contemplation d’une figure haute d’un mètre, à laquelle il venait de travailler.

— Ah ! c’est vous autres. Antoine vous attend depuis plus d’une demi-heure. Je crois qu’il est sorti avec Lise pour voir le soleil se coucher sur Paris. Mais ils vont revenir.

Et il retomba dans son silence, immobile, les yeux sur son œuvre.