Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/560

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de femme héroïque, vieillie dans la souffrance des autres, dans l’abnégation et le dévouement d’un cœur intrépide, que l’idée seule du devoir exaltait. Elle l’avait aidé à régler les moindres détails, elle savait donc son effroyable dessein ; et, si la justicière qui était en elle, après tant d’iniquités vues et endurées, acceptait l’idée des expiations farouches, le monde purifié par la flamme du volcan, elle croyait trop à la nécessité d’être brave et de vivre sa vie jusqu’au bout, pour qu’elle pût jamais trouver la mort bonne et féconde.

— Mon fils, reprit-elle doucement, j’ai vu grandir votre projet il ne m’a ni surprise ni révoltée, je l’ai admis comme la foudre, comme le feu même du ciel, d’une pureté et d’une force souveraines. À toute heure, je vous ai soutenu, j’ai voulu être votre conscience et votre volonté… Mais, une fois encore, il faut que je vous le dise : on ne déserte pas la vie.

— Mère, c’est inutile, j’ai donné ma vie, je ne puis la reprendre… Ne voulez-vous donc plus être ma volonté, comme vous le dites, celle qui doit rester et agir ?

Elle ne répondit pas, elle l’interrogea elle-même, avec une gravité lente.

— Alors, il est inutile que je vous parle des enfants, de moi, de la maison… Vous avez bien réfléchi, vous êtes résolu ?

Et, comme il disait oui, simplement, elle répéta :

— C’est bien, vous êtes le maître… Je serai celle qui reste et qui agit. N’ayez aucune crainte, votre testament est en bonnes mains. Tout ce que nous avons arrêté ensemble, sera fait.

De nouveau, ils se turent. Puis, elle demanda encore :

— À quatre heures, au moment de cette bénédiction ?

— Oui, à quatre heures.

Elle le regardait toujours de ses pâles yeux, d’une simplicité, d’une grandeur surhumaine, dans sa mince