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Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/57

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III


Quand l’abbé Froment voulut entrer au Palais-Bourbon, il réfléchit qu’il n’avait pas de carte ; et il allait se décider à faire demander simplement Fonsègue, bien qu’il ne fût pas connu de lui, lorsque, dans le vestibule, il aperçut Mège, le député collectiviste, avec lequel il s’était lié, autrefois, pendant ses journées de charité militante, à travers la misère du quartier de Charonne.

— Tiens ! vous ici ? Vous ne venez pas nous évangéliser ?

— Non, je viens voir monsieur Fonsègue pour une affaire pressée, un malheureux qui ne peut attendre.

— Fonsègue, je ne sais pas s’il est arrivé… Attendez.

Et, arrêtant un jeune homme qui passait, petit et brun, d’un air de souris fureteuse :

— Dites donc, Massot, voici monsieur l’abbé Froment qui désire parler tout de suite à votre patron.

— Le patron, mais il n’est pas là. Je viens de le laisser au journal, où il en a encore pour un grand quart d’heure. Si monsieur l’abbé veut bien attendre, il le verra ici sûrement.

Alors, Mège fit entrer Pierre dans la salle des Pas perdus, vaste et froide, avec son Laocoon et sa Minerve de bronze, ses murs nus, que les hautes portes-fenêtres, donnant sur le jardin, éclairaient du pâle et triste jour d’hiver. Mais, en ce moment, elle était pleine et comme chauffée par toute une agitation fiévreuse, des groupes nombreux qui stationnaient, des allées et venues continuelles de gens qui s’empressaient, se lançaient au tra-