Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/609

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en créant, que vous venez de faire acte de révolutionnaire !… Et que de fois je vous l’ai dit, la science seule est révolutionnaire, la seule qui, par-dessus les pauvres événements politiques, l’agitation vaine des sectaires et des ambitieux, travaille à l’humanité de demain, en prépare la vérité, la justice, la paix !… Ah ! mon cher enfant, si vous voulez bouleverser le monde en essayant d’y mettre un peu plus de bonheur, vous n’avez qu’à rester dans votre laboratoire, car le bonheur humain ne peut naître que de votre fourneau de savant.

Il plaisantait bien un peu, mais on le sentait si convaincu, dans son dédain de toutes les préoccupations qui n’étaient pas la science. Il ne s’était pas même étonné, lorsque Pierre avait quitté la soutane ; et il le retrouvait là, avec sa femme et son enfant, sans cesser de se montrer très désintéressé, très affectueux.

Le moteur, dans sa vitesse prodigieuse, ronflait à peine, tel qu’une grosse mouche au soleil. Toute la famille heureuse l’entourait, continuait à rire d’aise, devant cette victoire. Et voilà que le petit Jean, monsieur Jean, ayant fini de téter, les lèvres encore barbouillées de lait, aperçut la machine, le beau joujou qui marchait tout seul. Et ses yeux brillèrent, ses joues se creusèrent de fossettes, et il tendit ses menottes frémissantes, en poussant des cris d’allégresse.

Marie, qui reboutonnait son corsage d’un geste tranquille, s’égaya, l’apporta, pour qu’il vît mieux le joujou.

— Hein ? mon mignon, c’est gentil ! Ça tourne, et c’est fort, c’est vivant, tu vois !

Autour d’elle, tous s’amusaient de la mine ébahie, ravie de l’enfant, qui aurait voulu toucher, pour comprendre peut-être.

— Oui, reprit Bertheroy, c’est vivant et c’est fort comme le soleil, comme ce grand soleil qui resplendit là, sur Paris immense, en y mûrissant les choses et les