Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/610

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hommes. Paris moteur lui aussi, Paris chaudière où bout l’avenir, et sous laquelle, nous autres savants, nous entretenons l’éternelle flamme… Mon bon Guillaume, aujourd’hui, vous êtes le chauffeur, l’artisan de demain, avec cette merveille qui va encore élargir le travail de notre grand Paris, dans le monde entier.

Pierre fut extrêmement frappé, et l’idée de la cuve géante lui revint, de la cuve ouverte là, d’un bord de l’horizon à l’autre, où le siècle prochain allait naître de l’extraordinaire mélange de l’excellent et du pire. Mais, à présent, par-dessus les passions, les ambitions, les tares, les déchets, il voyait le colossal travail dépensé, l’héroïque effort manuel, au fond des chantiers et des usines, le glorieux recueillement de la jeunesse intellectuelle, qu’il savait à l’œuvre, étudiant en silence, n’abandonnant aucune conquête des aînés, brûlant d’en agrandir le domaine. Et c’était l’exaltation de Paris, tout le futur qui s’élaborait dans son énormité, et qui s’en envolerait, en une clarté d’aurore. Si le monde antique avait eu Rome, maintenant agonisante, Paris régnait souverainement sur les temps modernes, le centre aujourd’hui des peuples, en ce continuel mouvement qui les emporte de civilisation en civilisation, avec le soleil, de l’est à l’ouest. Il était le cerveau, tout un passé de grandeur l’avait préparé à être, parmi les villes, l’initiatrice, la civilisatrice, la libératrice. Hier, il jetait aux nations le cri de liberté, il leur apporterait demain la religion de la science, la justice, la foi nouvelle attendue par les démocraties. Il était la bonté aussi, la gaieté et la douceur, la passion de tout savoir, la générosité de tout donner. En lui, dans les ouvriers de ses faubourgs, parmi les paysans de ses campagnes, il y avait des ressources infinies, des réserves d’hommes où l’avenir pourrait puiser sans compter. Et le siècle finissait par lui, et l’autre siècle commencerait, se déroulerait par lui, et tout son bruit de prodigieuse besogne, tout