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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/123

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explications de son ami, il retomba à l’effarement de son arrivée dans ce monde nouveau, dont l’inattendu bouleversait ses prévisions.

Mais monsignore Nani avait aperçu les deux jeunes gens, et il s’avançait la main tendue, très cordial.

— Ah ! monsieur l’abbé Froment, je suis heureux de vous revoir, et je ne vous demande pas si vous avez bien dormi, car on dort toujours bien à Rome… Bonjour, monsieur Habert, votre santé est bonne, depuis que je vous ai rencontré devant la sainte Thérèse du Bernin, que vous admirez tant ?… Et je vois que vous vous connaissez tous les deux. C’est charmant. Monsieur l’abbé, je vous dénonce en monsieur Habert un des passionnés de notre ville, qui vous mènera dans les beaux endroits.

Puis, de son air affectueux, il voulut tout de suite être renseigné sur l’entrevue de Pierre et du cardinal. Il en écouta très attentivement le récit, hochant la tête à certains détails, réprimant parfois son fin sourire. L’accueil sévère du cardinal, la certitude où était le prêtre de ne trouver près de lui aucune aide, ne l’étonna nullement comme s’il s’était attendu à ce résultat. Mais, au nom de Sanguinetti, en apprenant qu’il était venu le matin et qu’il avait déclaré l’affaire du livre très grave, il parut s’oublier un instant, il parla avec une soudaine vivacité.

— Que voulez-vous ? mon cher fils, je suis arrivé trop tard. À la première nouvelle des poursuites, j’ai couru chez Son Éminence le cardinal Sanguinetti, pour lui dire qu’on allait faire à votre œuvre une réclame immense. Voyons, est-ce raisonnable ? À quoi bon ? Nous savons que vous êtes un peu exalté, l’âme enthousiaste et prompte à la lutte. Nous serions bien avancés si nous nous mettions sur les bras la révolte d’un jeune prêtre, qui pourrait partir en guerre contre nous, avec un livre dont on a déjà vendu des milliers d’exemplaires. Moi, d’abord, je voulais qu’on ne bougeât pas. Et je dois dire que le cardinal, qui est un homme d’esprit, pensait comme