Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/153

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crois aussi honnête que lui, et j’aurais un fils tel que le tien, si droit, si bon, si naïvement amoureux, que je le laisserais épouser qui il voudrait et comme il voudrait… Les Buongiovanni, mon Dieu ! les Buongiovanni, avec toute leur noblesse et l’argent qu’ils ont encore, seront très honorés d’avoir pour gendre un beau garçon, au grand cœur !

De nouveau, Stefana eut son air de satisfaction placide. Elle ne venait sûrement que pour être approuvée.

— C’est bien, mon oncle, je redirai cela à mon mari ; et il en tiendra grand compte ; car, si vous êtes sévère pour lui, il a pour vous une véritable vénération… Quant à ce ministère, rien ne se fera peut-être, Sacco se décidera selon les circonstances.

Elle s’était levée, elle prit congé en embrassant le vieillard, comme à son arrivée, très tendrement. Et elle le complimenta sur sa belle mine, le trouva très beau, le fit sourire en lui nommant une dame qui était encore folle de lui. Puis, après avoir répondu d’une légère révérence au salut muet du jeune prêtre, elle s’en alla, de son allure modeste et sage.

Un instant, Orlando resta silencieux, les yeux vers la porte, repris d’une tristesse, songeant sans doute à ce présent louche et pénible, si différent du glorieux passé. Et, brusquement, il revint à Pierre, qui attendait toujours.

— Alors, mon ami, vous êtes donc descendu au palais Boccanera. Ah ! quel désastre aussi de ce côté !

Mais, lorsque le prêtre lui eut répété sa conversation avec Benedetta, la phrase où elle avait dit qu’elle l’aimait toujours et que jamais elle n’oublierait sa bonté, quoi qu’il arrivât, il s’attendrit, sa voix eut un tremblement.

— Oui, c’est une bonne âme, elle n’est pas méchante. Seulement, que voulez-vous ? elle n’aimait pas Luigi, et lui-même a été un peu violent peut-être… Ces choses ne sont plus un mystère, je vous en parle librement, puisque, à mon grand chagrin, toute le monde les connaît.