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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/152

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encore, les loups étaient venus. Le Nord avait fait l’Italie, le Midi montait à la curée, se jetait sur elle, vivait d’elle comme d’une proie. Et il y avait surtout cela, au fond de la colère du héros foudroyé : l’antagonisme de plus en plus marqué entre le Nord et le Midi ; le Nord travailleur et économe, politique avisé, savant, tout aux grandes idées modernes ; le Midi ignorant et paresseux, tout à la joie immédiate de vivre, dans un désordre enfantin des actes, dans un éclat vide des belles paroles sonores.

Stefana souriait placidement, en regardant Pierre, qui s’était retiré près de la fenêtre.

— Oh ! mon oncle, vous dites cela, mais vous nous aimez bien tout de même, et vous m’avez donné, à moi, plus d’un bon conseil, ce dont je vous remercie… C’est comme pour l’histoire d’Attilio…

Elle parlait de son fils, le lieutenant, et de son aventure amoureuse avec Celia, la petite princesse Buongiovanni, dont tous les salons noirs et blancs s’entretenaient.

— Attilio, c’est autre chose, s’écria Orlando. Ainsi que toi, il est de mon sang, et c’est merveilleux comme je me retrouve dans ce gaillard-là. Oui, il est tout moi, quand j’avais son âge, et beau, et brave, et enthousiaste !… Tu vois que je me fais des compliments. Mais, en vérité, Attilio me tient chaud au cœur car il est l’avenir, il me rend l’espérance… Eh bien ! son histoire ?

— Ah ! mon oncle, son histoire nous donne des ennuis. Je vous en ai déjà parlé, et vous avez haussé les épaules, en disant que, dans ces questions-là, les parents n’avaient qu’à laisser les amoureux régler leurs affaires eux-mêmes… Nous ne voulons pourtant pas qu’on dise partout que nous poussons notre fils à enlever la petite princesse, pour qu’il épouse ensuite son argent et son titre.

Orlando s’égaya franchement.

— Voilà un fier scrupule ! C’est ton mari qui t’a dit de me l’exprimer ? Oui, je sais qu’il affecte de montrer de la délicatesse en cette occasion… Moi, je te le répète, je me