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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/157

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habile homme dont l’esprit ferme et clair le charmait. Il savait avec quelle adresse il avait manœuvré dans l’affaire de la villa Montefiori, s’y enrichissant lorsque tant d’autres s’y ruinaient, ayant prévu sans doute la catastrophe fatale, au moment où la rage de l’agio affolait encore la nation entière. Pourtant, il surprenait déjà des signes de fatigue, des rides précoces, les lèvres affaissées, sur cette face de volonté et d’énergie, comme si l’homme se lassait de la continuelle lutte, parmi les écroulements voisins, qui minaient le sol, menaçant d’emporter par contre-coup les fortunes les mieux assises. On racontait que Prada, dans les derniers temps, avait eu des inquiétudes sérieuses ; et plus rien n’était solide, tout pouvait être englouti, à la suite de la crise financière qui s’aggravait de jour en jour. Chez ce rude fils de l’Italie du Nord, c’était une sorte de déchéance, un lent pourrissement, sous l’influence amollissante, pervertissante de Rome. Tous ses appétits s’y étaient rués à leur satisfaction, il s’épuisait à les y contenter, appétits d’argent, appétits de femmes. Et de là venait la grande tristesse muette d’Orlando, quand il voyait cette déchéance rapide de sa race de conquérant, tandis que Sacco, l’Italien du Midi, servi par le climat, fait à cet air de volupté, à ces villes d’antique poussière, brûlées de soleil, s’y épanouissait comme la végétation naturelle du sol saturé des crimes de l’histoire, s’y emparait peu à peu de tout, de la richesse et de la puissance.

Le nom de Sacco fut prononcé, le père dit au fils un mot de la visite de Stefana. Sans rien ajouter, tous deux se regardèrent avec un sourire. Le bruit courait que le ministre de l’Agriculture, décédé, ne serait peut-être pas remplacé tout de suite, qu’un autre ministre ferait l’intérim, et qu’on attendrait l’ouverture de la Chambre.

Puis, il fut question du palais Boccanera ; et Pierre, alors, redoubla d’attention.

— Ah ! lui dit le comte, vous êtes descendu rue Giulia.