Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/186

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Et la ville entière prenait une voix, lui contait sa grandeur morte.

Alors, ce fut en lui une involontaire évocation, une résurrection vivante. Ce Palatin qu’il venait de visiter, ce Palatin gris et morne, rasé comme une cité maudite, semé de quelques murs croulants, tout d’un coup s’anima, se peupla, repoussa avec ses palais et ses temples. C’était le berceau même de Rome, Romulus avait fondé là sa ville, sur ce sommet, dominant le Tibre, tandis que les Sabins, en face, occupaient le Capitole. Les sept rois de ses deux siècles et demi de monarchie l’avaient sûrement habité, enfermés dans les hautes et fortes murailles, que trois portes seulement trouaient. Ensuite, se déroulaient les cinq siècles de république, les plus grands, les plus glorieux, ceux qui avaient soumis la péninsule italique, puis le monde, à la domination romaine. Pendant ces victorieuses années de luttes sociales et guerrières, Rome agrandie avait peuplé les sept collines, le Palatin n’était demeuré que le berceau vénérable, avec ses temples légendaires, peu à peu envahi lui-même par des maisons privées. Mais César, incarnant la toute-puissance de la race, venait, après les Gaules et après Pharsale, de triompher au nom du peuple romain entier, dictateur, empereur, ayant achevé la colossale besogne, dont les cinq nouveaux siècles d’Empire allaient profiter fastueusement, au galop lâché de tous les appétits. Et Auguste pouvait prendre le pouvoir, la gloire était à son comble, les milliards attendaient d’être volés au fond des provinces, le gala impérial commençait, dans la capitale du monde, aux yeux des nations lointaines, éblouies et vaincues. Lui était né au Palatin, et son orgueil, après que la victoire d’Actium lui eut donné l’empire, fut de revenir régner du haut de ce mont sacré, vénéré du peuple. Il y acheta des maisons particulières, il y bâtit son palais, dans un éclat de luxe, inconnu jusqu’alors : un atrium soutenu par quatre pilastres et huit colonnes ;