Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/212

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et de la pompe. Un grand temple de la Rome antique était certainement pareil, avec les mêmes murs revêtus de marbres polychromes, les mêmes colonnes précieuses, les mêmes voûtes aux caissons dorés. Cette sensation, il devait la ressentir davantage encore en visitant les autres basiliques, qui allaient finir par faire en lui la vérité indiscutable. C’était d’abord l’église chrétienne s’installant, en toute audace et tranquillité, dans le temple païen, San Lorenzo in Miranda qui se logeait comme chez lui dans le temple d’Antonin et Faustine, dont il gardait le portique rare en marbre cipolin et le bel entablement de marbre blanc ; ou bien c’était l’église chrétienne qui repoussait du tronc abattu, de l’édifice antique détruit, le Saint-Clément actuel par exemple, sous lequel il y a des siècles de croyances contraires stratifiés, un monument très ancien du temps de la république, un autre du temps de l’empire, dans lequel on a reconnu un temple de Mithra, enfin une basilique de la primitive foi. C’était ensuite l’église chrétienne, comme à Sainte-Agnès hors les Murs, se bâtissant exactement sur le modèle de la basilique civile des Romains, le Tribunal et la Bourse qui accompagnaient tout Forum ; et c’était surtout l’église chrétienne construite avec les matériaux volés aux temples en ruine : les seize colonnes superbes de cette même Sainte-Agnès, de marbres différents, prises évidemment à plusieurs dieux ; les vingt et une colonnes de Sainte-Marie du Transtévère, de tous les ordres, arrachées d’un temple d’Isis et de Sérapis, dont les chapiteaux ont conservé les figures ; les trente-six colonnes en marbre blanc de Sainte-Marie-Majeure, d’ordre ionique, qui viennent du temple de Junon Lucine ; les vingt-deux colonnes de Sainte-Marie d’Aracœli, toutes diverses de matière, de dimension et de travail, et dont la légende veut que certaines aient été dérobées à Jupiter lui-même, au temple de Jupiter Capitolin, qui s’élevait à la même place, sur le sommet sacré. Aujourd’