Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/227

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Puis, craignant que son aveu n’eût fait comprendre au jeune prêtre qu’il sortait de voir monsignor Gamba del Zoppo, le prélat le plus facile à terrifier de toute la discrète famille pontificale, il conta qu’il courait depuis le matin pour deux dames françaises, qui, elles aussi, se mouraient du désir de voir le pape ; et il avait grand'peur de ne pas réussir.

— Je vous avouerai, monseigneur, déclara Pierre, que je commençais à me décourager. Oui, il est temps que j’aie un peu de réconfort, car mon séjour ici n’est pas fait pour m’assainir l’âme.

Il continua, il laissa percer combien Rome achevait de briser en lui la foi. De telles journées, celle qu’il avait passée au Palatin et à la voie Appienne, puis celle qu’il avait vécue aux Catacombes et à Saint-Pierre, n’étaient bonnes qu’à le troubler, qu’à gâter son rêve d’un christianisme rajeuni et triomphant. Il en sortait en proie au doute, envahi d’une lassitude commençante, ayant perdu de son enthousiasme toujours prêt à la révolte.

Sans cesser de sourire, monsignor Nani l’écoutait, hochait la tête d’un air d’approbation. Évidemment, c’était bien cela, les choses devaient se passer ainsi. Il semblait l’avoir prévu et en être satisfait.

— Enfin, mon cher fils, tout va pour le mieux, du moment que vous êtes certain de voir Sa Sainteté.

— C’est vrai, monseigneur, j’ai mis mon unique espoir dans le très juste et très clairvoyant Léon XIII. Lui seul peut me juger, puisque, dans mon livre, lui seul reconnaîtra sa pensée, que, très fidèlement, je crois avoir traduite… Ah ! s’il le veut, au nom de Jésus, par la démocratie et par la science, il sauvera le vieux monde !

Son enthousiasme le reprenait, et Nani, de plus en plus affable, avec ses yeux aigus et ses lèvres minces, approuva de nouveau.