Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/228

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— Parfaitement, c’est cela, mon cher fils. Vous causerez, vous verrez.

Puis, comme tous deux, levant la tête, regardaient la façade du Vatican, il poussa l’amabilité jusqu’à le détromper. Non, la fenêtre où l’on voyait de la lumière chaque soir, n’était pas celle de la chambre à coucher du pape. C’était celle d’un palier de l’escalier, que des becs de gaz éclairaient toute la nuit. La chambre du pape se trouvait à deux fenêtres de là. Et ils retombèrent dans le silence, ils continuèrent à regarder la façade, très graves l’un et l’autre.

— Eh bien ! au revoir, mon cher fils. Vous me raconterez l’entrevue, n’est-ce pas ?

Dès que Pierre fut seul, il franchit la porte de bronze, le cœur battant à grands coups, comme s’il fût entré dans le lieu sacré et redoutable où s’élaborait le bonheur futur. Un poste veillait là, un garde suisse marchait à pas lents, drapé en un manteau gris-bleu, qui laissait dépasser seulement la culotte bariolée de noir, de jaune et de rouge ; et il semblait que ce manteau discret fût jeté ainsi sur un déguisement, pour en dissimuler l’étrangeté devenue gênante. Puis, tout de suite, à droite, s’ouvrait le grand escalier couvert qui conduit à la cour Saint-Damase. Mais, pour se rendre à la chapelle Sixtine, il fallait suivre la longue galerie, entre une double rangée de colonnes, et monter l’escalier Royal. Et Pierre, dans ce monde géant, où toutes les dimensions s’exagéraient, d’une écrasante majesté, soufflait un peu, en gravissant les larges marches.

Quand il entra dans la chapelle Sixtine, il éprouva d’abord une surprise. Elle lui parut petite, une sorte de salle rectangulaire, très haute, avec sa fine cloison de marbre qui la coupe aux deux tiers, la partie où se tiennent les invités, les jours de grande cérémonie, et le chœur où s’assoient les cardinaux sur de simples bancs de chêne, tandis que les prélats restent debout, derrière.