Le trône pontifical, sur une estrade basse, est à droite de l’autel, d’une richesse sobre. À gauche, dans la muraille, s’ouvre l’étroite loge, à balcon de marbre, réservée aux chanteurs. Et il faut lever la tête, il faut que les regards montent de l’immense fresque du Jugement dernier, qui occupe la paroi entière du fond, aux peintures de la voûte, qui descendent jusqu’à la corniche, entre les douze fenêtres claires, six de chaque côté, pour que, brusquement, tout s’élargisse, tout s’écarte et s’envole, en plein infini.
Il n’y avait heureusement là que trois ou quatre touristes, peu bruyants. Et Pierre aperçut tout de suite Narcisse Habert, sur un des bancs des cardinaux, au-dessus de la marche où s’assoient les caudataires. Le jeune homme, immobile, la tête un peu renversée, semblait comme en extase. Mais ce n’était pas l’œuvre de Michel Ange qu’il regardait. Il ne quittait pas des yeux, en dessous de la corniche, une des fresques antérieures. Et, lorsqu’il eut reconnu le prêtre, il se contenta de murmurer, les regards noyés :
— Oh ! mon ami, voyez donc le Botticelli !
Puis, il retomba dans son ravissement.
Pierre, dans un grand coup en plein cerveau et en plein cœur, venait d’être pris tout entier par le génie surhumain de Michel Ange. Le reste disparut, il n’y eut plus, là-haut, comme en un ciel illimité, que cette extraordinaire création d’art. L’inattendu d’abord, ce qui le stupéfiait, c’était que le peintre avait accepté d’être l’unique artisan de l’œuvre. Ni marbriers, ni bronziers, ni doreurs, ni aucun autre corps d’état. Le peintre, avec son pinceau, avait suffi pour les pilastres, les colonnes, les corniches de marbre, pour les statues et les ornements de bronze, pour les fleurons et les rosaces d’or, pour toute cette décoration d’une richesse inouïe qui encadrait les fresques. Et il se l’imaginait, le jour où on lui avait livré la voûte nue, rien que le plâtre, rien que la muraille plate et