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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/256

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sanglants ; et il s’enfuit, en poussant un soupir, un han ! terrible et douloureux, où son désir refoulé se débattait encore dans des larmes et dans du repentir.

Benedetta était restée assise sur le canapé, soufflante, à bout de courage et de force. Mais, au mouvement que Pierre fit pour se retirer également, très embarrassé de son rôle, ne trouvant pas un mot, elle le supplia d’une voix qui se calmait.

— Non, non, monsieur l’abbé, ne vous en allez pas… Je vous en prie, asseyez-vous, je désire causer avec vous un instant.

Il crut pourtant devoir s’excuser de son entrée si brusque, il expliqua que la porte du premier salon était entr'ouverte et qu’il avait seulement aperçu, dans l’antichambre, le travail de Victorine, laissé sur une table.

— Mais c’est vrai ! s’écria la contessina, Victorine devait y être, je venais de la voir. Je l’ai appelée, quand mon pauvre Dario s’est mis à perdre la tête… Pourquoi donc n’est-elle pas accourue ?

Puis, dans un mouvement d’expansion, se penchant à demi, la face encore brûlante de la lutte :

— Écoutez, monsieur l’abbé, je vais vous dire les choses, parce que je ne veux pas que vous emportiez une trop vilaine idée de mon pauvre Dario. Ça me ferait beaucoup de peine… Voyez-vous, c’est un peu de ma faute, ce qui vient d’arriver. Hier soir, il m’avait demandé un rendez-vous ici, pour que nous puissions causer tranquillement ; et, comme je savais que ma tante n’y serait pas aujourd’hui, à cette heure, je lui ai donc dit de venir… C’était fort naturel, n’est-ce pas ? de nous voir, de nous entendre, après le gros chagrin que nous avons eu, à la nouvelle que mon mariage ne sera sans doute jamais annulé. Nous souffrons trop, il faudrait prendre un parti… Et, alors, quand il a été là, nous nous sommes mis à pleurer, nous sommes restés longtemps aux bras l’un de l’autre, nous caressant, mêlant nos larmes. Je l’ai baisé