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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/278

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soleil, sur l’infini ciel bleu, comme s’il avait voulu suivre, au travers des murs, la marche de Léon XIII, regagnant par les galeries et par les salles son appartement, dont il apercevait là-haut les fenêtres. Il le voyait en pensée chargé des trois millions, les emportant sur lui, entre ses frêles bras serrés contre sa poitrine, emportant l’or, l’argent, les billets, et jusqu’aux bijoux que les femmes avaient jetés. Puis, tout haut, inconsciemment, il parla.

— Et qu’en va-t-il faire, de ces millions ? Où s’en va-t-il avec ?

Narcisse et monsignor Nani lui-même ne purent s’empêcher de s’égayer, à cette curiosité formulée de la sorte. Ce fut le jeune homme qui répondit.

— Mais Sa Sainteté les emporte dans sa chambre, ou du moins elle les y fait porter devant elle. N’avez-vous pas vu deux personnes de la suite qui ramassaient tout, les poches et les mains pleines ?… Et maintenant, Sa Sainteté est enfermée, toute seule. Elle a congédié le monde, elle a poussé soigneusement les verrous des portes… Et, si vous pouviez l’apercevoir, derrière cette façade, vous la verriez compter et recompter son trésor avec une attention heureuse, mettre en bon ordre les rouleaux d’or, glisser les billets de banque dans des enveloppes, par petits paquets égaux, puis tout ranger, tout faire disparaître au fond de cachettes connues d’elle seule.

Pendant que son compagnon parlait, Pierre avait de nouveau levé les yeux sur les fenêtres du pape, comme s’il avait suivi la scène. D’ailleurs, le jeune homme continuait ses explications, disait que, dans la chambre, contre le mur de droite, il y avait un certain meuble, où l’argent était serré. Les uns parlaient aussi des profonds tiroirs d’un bureau ; et d’autres, enfin, affirmaient qu’au fond de l’alcôve, qui était très vaste, l’argent dormait dans de grandes malles cadenassées. Il y avait bien, à gauche du couloir menant aux Archives, une grande pièce où se