Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/284

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le trésor de Saint-Pierre est plus riche que jamais… Embarrassé, embarrassé, bonté divine ! Mais savez-vous bien que, si, demain, dans des circonstances malheureuses, le Souverain Pontife faisait un appel direct à la charité de tous ses enfants, des catholiques du monde entier, un milliard tomberait à ses pieds, comme cet or, comme ces bijoux, qui tout à l’heure pleuvaient sur les marches de son trône !

Et se calmant soudain, retrouvant son joli sourire :

— Du moins, c’est ce que j’entends dire parfois, car moi, je ne sais rien, je ne sais absolument rien ; et il est heureux que M. Habert se soit trouvé justement là pour vous renseigner… Ah ! monsieur Habert, monsieur Habert ! moi qui vous croyais tout envolé, évanoui dans l’art, bien loin des basses questions d’intérêts terrestres ! Vraiment, vous vous entendez à ces choses comme un banquier et comme un notaire… Rien ne vous est inconnu, non ! rien. C’est merveilleux.

Narcisse dut sentir la fine ironie ; car il y avait, en effet, au fond de son être, sous le Florentin d’emprunt, sous le garçon angélique, aux longs cheveux bouclés, aux yeux mauves qui se noyaient devant les Botticelli, un gaillard pratique, très rompu aux affaires, menant admirablement sa fortune, un peu avare même. Il se contenta de fermer à demi les paupières, d’un air de langueur.

— Oh ! murmura-t-il, tout m’est rêverie, et mon âme est autre part.

— Enfin, je suis heureux, reprit monsignor Nani en se tournant vers Pierre, bien heureux, que vous ayez pu assister à un spectacle si beau. Encore quelques occasions pareilles, et vous aurez vu, vous aurez compris par vous-même, ce qui vaudra certainement mieux que toutes les explications du monde… À demain, ne manquez pas la grande cérémonie à Saint-Pierre. Ce sera magnifique, vous en tirerez des réflexions excellentes, j’en suis certain…