Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/290

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ainsi qu’au signal d’un maître de ballet, le cortège avait fait son entrée, gagnant la grande nef, la remontant tout entière, triomphalement, de la porte centrale à l’autel de la Confession, entre la double haie des fidèles, dont les applaudissements redoublaient, devant tant de magnificence, à mesure que montait le délire de leur enthousiasme.

C’était le cortège des solennités anciennes, la croix et le glaive, la garde suisse en grande tenue, les valets en simarre écarlate, les chevaliers de cape et d’épée en costume Henri II, les chanoines en rochet de dentelle, les chefs des communautés religieuses, les protonotaires apostoliques, les archevêques et les évêques, toute la cour pontificale en soie violette, les cardinaux en cappa magna drapés de pourpre, marchant deux à deux, largement espacés, solennellement. Enfin, autour de Sa Sainteté, se groupaient les officiers de sa maison militaire, les prélats de l’antichambre secrète, monseigneur le majordome, monseigneur le maître de chambre, et tous les hauts dignitaires du Vatican, et le prince romain assistant au trône, le traditionnel et symbolique défenseur de l’Église. Sur la chaise gestatoire, que les flabelli abritaient des hautes plumes triomphales et que balançaient les porteurs, aux tuniques rouges brodées de soie, Sa Sainteté était revêtue des vêtements sacrés qu’elle avait mis dans la chapelle du Saint-Sacrement, l’amict, l’aube, l’étole, la chasuble blanche et la mitre blanche, enrichies d’or, deux cadeaux qui venaient de France, d’une somptuosité extraordinaire. Et, à son approche, les mains se levaient, battaient plus haut, dans les ondes de vivant soleil qui tombaient des fenêtres.

Pierre eut alors une impression nouvelle de Léon XIII. Ce n’était plus le vieillard familier, las et curieux, se promenant au bras d’un prélat bavard dans le plus beau jardin du monde. Ce n’était même plus le Saint-Père en pèlerine rouge et en bonnet papal, recevant paternellement