Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/32

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Ensuite, venait la seconde partie de l’œuvre, le présent, l’étude de la société catholique actuelle. Là, Pierre avait fait une peinture affreuse de la misère des pauvres, de cette misère d’une grande ville, qu’il connaissait, dont il saignait pour en avoir touché les plaies empoisonnées. L’injustice ne se pouvait plus tolérer, la charité devenait impuissante, la souffrance était si épouvantable, que tout espoir se mourait au cœur du peuple. Ce qui avait contribué à tuer la foi en lui, n’était-ce pas le spectacle monstrueux de la chrétienté, dont les abominations le corrompaient, l’affolaient de haine et de vengeance ? Et tout de suite, après ce tableau d’une civilisation pourrie, en train de crouler, il reprenait l’histoire à la Révolution française, à l’immense espérance que l’idée de liberté avait apportée au monde. En arrivant au pouvoir, la bourgeoisie, le grand parti libéral, s’était chargé de faire enfin le bonheur de tous. Mais le pis est que la liberté, décidément, après un siècle d’expérience, ne semble pas avoir donné aux déshérités plus de bonheur. Dans le domaine politique, une désillusion commence. En tout cas, si le troisième état se déclare satisfait, depuis qu’il règne, le quatrième état, les travailleurs, souffrent toujours et continuent à réclamer leur part. On les a proclamés libres, on leur a octroyé l’égalité politique, et ce ne sont en somme que des cadeaux dérisoires, car ils n’ont, comme jadis, sous leur servitude économique, que la liberté de mourir de faim. Toutes les revendications socialistes sont nées de là, le problème terrifiant dont la solution menace d’emporter la société actuelle, s’est posé dès lors entre le travail et le capital. Quand l’esclavage a disparu du monde antique, pour faire place au salariat, la révolution fut immense ; et, certainement, l’idée chrétienne était un des facteurs puissants qui ont détruit l’esclavage. Aujourd’hui qu’il s’agit de remplacer le salariat par autre chose, peut-être par la participation de l’ouvrier aux bénéfices, pourquoi donc le christianisme ne tenterait-il