Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/36

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voulaient les corporations libres ; tandis que les autres, les jeunes, les impatients, résolus à l’action, les demandaient obligatoires, avec capital propre, reconnues et protégées par l’État. Le vicomte Philibert de la Choue avait particulièrement mené une ardente campagne, par la parole, par la plume, en faveur de ces corporations obligatoires ; et son grand chagrin était de n’avoir pu encore décider le pape à se prononcer ouvertement sur le cas de savoir si les corporations devaient être ouvertes ou fermées. À l’entendre, le sort de la société était là, la solution paisible de la question sociale ou l’effroyable catastrophe qui devait tout emporter. Au fond, bien qu’il refusât de l’avouer, le vicomte avait fini par en venir au socialisme d’État. Et, malgré le manque d’accord, l’agitation restait grande, des tentatives peu heureuses étaient faites, des sociétés coopératives de consommation, des sociétés d’habitations ouvrières, des banques populaires, des retours plus ou moins déguisés aux anciennes communautés chrétiennes ; pendant que, de jour en jour, au milieu de la confusion de l’heure présente, dans le trouble des âmes et dans les difficultés politiques que traversait le pays, le parti catholique militant sentait son espérance grandir, jusqu’à la certitude aveugle de reconquérir bientôt le gouvernement du monde.

Justement, la deuxième partie du livre finissait par un tableau du malaise intellectuel et moral où se débat cette fin de siècle. Si la masse des travailleurs souffre d’être mal partagée et exige que, dans un nouveau partage, on lui assure au moins son pain quotidien, il semble que l’élite n’est pas plus contente, se plaignant du vide où la laissent sa raison libérée, son intelligence élargie. C’est la fameuse banqueroute du rationalisme, du positivisme et de la science elle-même. Les esprits que dévore le besoin de l’absolu, se lassent des tâtonnements, des lenteurs de cette science qui admet les seules vérités prouvées ;