Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/37

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ils sont repris de l’angoisse du mystère, il leur faut une synthèse totale et immédiate, pour pouvoir dormir en paix ; et, brisés, ils retombent à genoux sur la route, éperdus à la pensée qu’ils ne sauront jamais tout, préférant Dieu, l’inconnu révélé, affirmé en un acte de foi. Aujourd’hui encore, en effet, la science ne calme ni notre soif de justice, ni notre désir de sécurité, ni l’idée séculaire que nous nous faisons du bonheur, dans la survie, dans une éternité de jouissances. Elle n’en est qu’à épeler le monde, elle n’apporte, pour chacun, que la solidarité austère du devoir de vivre, d’être un simple facteur du travail universel ; et comme l’on comprend la révolte des cœurs, le regret de ce ciel chrétien, peuplé de beaux anges, plein de lumière, de musiques et de parfums ! Ah ! baiser ses morts, se dire qu’on les retrouvera, qu’on revivra avec eux une immortalité glorieuse ! Et avoir cette certitude de souveraine équité pour supporter l’abomination de l’existence terrestre ! Et tuer ainsi l’affreuse pensée du néant, et échapper à l’horreur de la disparition du moi, et se tranquilliser enfin dans l’inébranlable croyance qui remet au lendemain de la mort la solution heureuse de tous les problèmes de la destinée ! Ce rêve, les peuples le rêveront longtemps encore. C’est ce qui explique comment, à cette fin de siècle, par suite du surmenage des esprits, par suite également du trouble profond où est l’humanité, grosse d’un monde prochain, le sentiment religieux s’est réveillé, inquiet, tourmenté d’idéal et d’infini, exigeant une loi morale et l’assurance d’une justice supérieure. Les religions peuvent disparaître, le sentiment religieux en créera de nouvelles, même avec la science. Une religion nouvelle ! une religion nouvelle ! Et n’était-ce pas le vieux catholicisme qui, dans cette terre contemporaine où tout semblait devoir favoriser ce miracle, allait renaître, jeter des rameaux verts, s’épanouir en une toute jeune et immense floraisons ?

Enfin, dans la troisième partie de son livre, Pierre