Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/363

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heureuse, maintenant que mon affaire est entre ses mains… Mon ami, soyez raisonnable vous aussi, ne vous révoltez pas, abandonnez-vous. Je vous assure que vous vous en trouverez bien un jour.

La tête basse, Pierre réfléchissait. Rome l’avait enveloppé, il y satisfaisait à chaque heure des curiosités plus vives, et la pensée d’y rester deux à trois semaines encore n’avait rien pour lui déplaire. Sans doute il sentait, dans ces continuels retards, un émiettement possible de sa volonté, une usure d’où il sortirait diminué, découragé, inutile. Mais que craignait-il, puisqu’il se jurait toujours de ne rien abandonner de son livre, de ne voir le Saint-Père que pour affirmer plus hautement sa foi nouvelle ? Il refit tout bas ce serment, puis il céda. Et, comme il s’excusait d’être un embarras au palais :

— Non, s’écria Benedetta, je suis si ravie de vous avoir ! Je vous garde, je m’imagine que votre présence ici va nous porter bonheur à tous, maintenant que la chance semble tourner.

Ensuite, il fut convenu qu’il n’irait plus rôder autour de Saint-Pierre ni du Vatican, où la vue continuelle de sa soutane devait avoir éveillé l’attention. Il promit même de rester huit jours sans presque sortir du palais, désireux de relire certains livres, certaines pages d’histoire, à Rome même. Et il causa encore un instant, heureux du grand calme qui régnait dans le salon, depuis que la lampe l’éclairait d’une clarté dormante. Six heures venaient de sonner, la nuit était noire dans la rue.

— Son Éminence n’a-t-elle pas été souffrante aujourd’hui ? demanda-t-il.

— Mais oui, répondit la contessina. Oh ! un peu de fatigue seulement, nous ne sommes pas inquiets… Mon oncle m’a fait prévenir par don Vigilio qu’il s’enfermait dans sa chambre et qu’il le gardait, pour lui dicter des lettres… Vous voyez que ce ne sera rien.

Le silence retomba, aucun bruit ne montait de la rue