Aller au contenu

Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/362

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de vous donner… Il paraît que le bruit de votre présence à Rome se répand et qu’on fait circuler sur vous les histoires les plus inquiétantes. Votre livre serait un appel ardent au schisme, vous-même ne seriez qu’un schismatique ambitieux et turbulent, qui, après avoir publié son œuvre à Paris, se serait empressé d’accourir à Rome pour la lancer, en déchaînant tout un affreux scandale autour d’elle… Si vous tenez toujours à voir Sa Sainteté pour plaider votre cause, on vous conseille donc de vous faire oublier, de disparaître complètement pendant deux à trois semaines.

Pierre écoutait dans la stupeur. Mais on finirait par le rendre enragé ! mais on la lui donnerait, l’idée du schisme, d’un scandale justicier et libérateur, en le promenant ainsi d’échec en échec, comme pour user sa patience ! Il voulut se récrier, protester. Puis, il eut un geste de lassitude. À quoi bon, devant cette jeune femme, qui, certainement, était sincère et affectueuse ?

— Qui vous a priée de me donner ce conseil ?

Elle ne répondit pas, se contenta de sourire. Et il eut une brusque intuition.

— C’est monsignor Nani, n’est-ce pas ?

Alors, sans vouloir répondre directement, elle se mit à faire un éloge ému du prélat. Cette fois, il consentait à la diriger dans l’interminable affaire de l’annulation de son mariage. Il en avait conféré longuement avec sa tante, donna Serafina, qui venait justement de se rendre au palais du Saint-Office, pour lui rendre compte de certaines premières démarches. Le père Lorenza, le confesseur de la tante et de la nièce, devait aussi se trouver à l’entrevue, car cette affaire du divorce était au fond son œuvre, il y avait toujours poussé les deux femmes, comme pour trancher le lien qu’avait noué, au milieu de si belles illusions, le curé patriote Pisoni. Et elle s’animait, disait les raisons de son espérance.

— Monsignor Nani peut tout, c’est ce qui me rend si