Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/38

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avait dit, en phrases enflammées d’apôtre, ce qu’allait être l’avenir, ce catholicisme rajeuni, apportant aux nations agonisantes la santé et la paix, l’âge d’or oublié du christianisme primitif. Et, d’abord, il débutait par un portrait attendri et glorieux de Léon XIII, le pape idéal, le prédestiné chargé du salut des peuples. Il l’avait évoqué, il l’avait vu ainsi, dans son désir brûlant de la venue d’un pasteur qui mettait fin à la misère. Ce n’était pas un portrait d’étroite ressemblance, mais le sauveur nécessaire, l’inépuisable charité, le cœur et l’intelligence larges, tels qu’il les rêvait. Pourtant, il avait fouillé les documents, étudié les encycliques, basé la figure sur les faits : l’éducation religieuse à Rome, la courte nonciature à Bruxelles, le long épiscopat à Pérouse. Dès que Léon XIII est pape, dans la difficile situation laissée par Pie IX, se révèle la dualité de sa nature, le gardien inébranlable du dogme, le politique souple, résolu à pousser la conciliation aussi loin qu’il le pourra. Nettement, il rompt avec la philosophie moderne, il remonte, par-delà la Renaissance, au Moyen Âge, il restaure dans les écoles catholiques la philosophie chrétienne, selon l’esprit de saint Thomas d’Aquin, le docteur angélique. Puis, le dogme mis de la sorte à l’abri, il vit d’équilibre, donne des gages à toutes les puissances, s’efforce d’utiliser toutes les occasions. On le voit, d’une activité extraordinaire, réconcilier le Saint-Siège avec l’Allemagne, se rapprocher de la Russie, contenter la Suisse, souhaiter l’amitié de l’Angleterre, écrire à l’empereur de la Chine pour lui demander de protéger les missionnaires et les chrétiens de son Empire. Plus tard, il interviendra en France, reconnaîtra la légitimité de la République. Dès le début, une pensée se dégage, la pensée qui fera de lui un des grands papes politiques ; et c’est, d’ailleurs, la pensée séculaire de la papauté, la conquête de toutes les âmes, Rome centre et maîtresse du monde. Il n’a qu’une volonté, qu’un but, travailler à l’unité de l’Église, ramener à elle les communions dissidentes, pour