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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/386

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Collège Germanique, le dernier refuge à Rome des Jésuites, qui ont cessé d’y être les maîtres du Gesù. L’espoir du succès tenait surtout à ce que Prada, lassé, irrité, avait déclaré formellement qu’il ne se présenterait plus. Il ne répondait même pas aux assignations répétées, tellement l’accusation d’impuissance lui semblait odieuse et ridicule, depuis que Lisbeth, sa maîtresse avérée, était enceinte de ses œuvres, aux yeux de la ville entière. Il se taisait donc, affectait de n’avoir jamais été marié, bien que la blessure de son désir tenu en échec, de son orgueil de mâle souffleté, saignât toujours au fond, rouverte sans cesse par les histoires qui continuaient, les doutes sur sa paternité, que faisait courir le monde noir. Et, puisque la partie adverse se désistait, disparaissait de son plein gré, on comprenait l’espérance croissante de Benedetta et de Dario, chaque soir, lorsque donna Serafina, en rentrant, leur annonçait qu’elle croyait bien avoir gagné encore la voix d’un cardinal.

Mais l’homme effrayant, l’homme qui les terrifiait tous, était monsignor Palma, l’avocat d’office choisi par la congrégation pour défendre le lien sacré du mariage. Il avait des droits presque illimités, pouvait en rappeler encore, en tout cas ferait traîner l’affaire autant qu’il lui plairait. Son premier plaidoyer, en réponse à celui de Morano, avait déjà été terrible, mettant l’état de virginité en doute, citant scientifiquement des cas où des femmes possédées offraient les particularités d’aspect constatées par les sages-femmes, réclamant d’ailleurs l’examen minutieux de deux médecins assermentés, déclarant enfin que, la condition première de l’acte étant l’obéissance de la femme, la demanderesse, même vierge, n’était pas fondée à réclamer l’annulation d’un mariage dont ses refus réitérés avaient seuls empêché la consommation. Et l’on annonçait que le nouveau plaidoyer qu’il préparait, serait plus impitoyable encore, tellement sa conviction était absolue. Devant cette belle énergie de vérité et de