Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/387

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logique, le pis allait être que les cardinaux, même bienveillants, n’oseraient jamais conseiller l’annulation au Saint-Père. Aussi le découragement reprenait-il Benedetta, lorsque donna Serafina, au retour d’une visite faite à monsignor Nani, la calma un peu, en lui disant qu’un ami commun s’était chargé de voir monsignor Palma. Mais cela, sans doute, coûterait très cher. Monsignor Palma, théologien rompu aux affaires canoniques et d’une honnêteté parfaite, avait eu une grande douleur dans sa vie, une nièce pauvre, d’une admirable beauté, qu’il s’était mis sur le tard à aimer follement, et qu’il avait dû, afin d’éviter le scandale, marier à un chenapan qui, depuis lors, la grugeait et la battait. Les apparences restaient dignes, le prélat traversait justement une crise affreuse, las de se dépouiller, n’ayant plus l’argent nécessaire pour tirer son neveu d’un mauvais pas, une tricherie au jeu. Et la trouvaille fut de sauver le jeune homme en payant, de lui obtenir ensuite une situation, sans rien demander à l’oncle qui, un soir, après la nuit tombée, comme s’il se rendait complice, vint en pleurant remercier donna Serafina de sa bonté.

Ce soir-là, Pierre était avec Dario, lorsque Benedetta entra riant, tapant de joie dans ses mains.

— C’est fait, c’est fait ! Il sort de chez ma tante, il lui a juré une reconnaissance éternelle. Maintenant, le voilà bien forcé d’être aimable.

Plus méfiant, Dario demanda :

— Mais lui a-t-on fait signer quelque chose, s’est-il engagé formellement ?

— Oh ! non, comment veux-tu ? c’était si délicat !… On assure que c’est un très honnête homme.

Pourtant, elle-même fut effleurée d’une nouvelle inquiétude. Si monsignor Palma, malgré le grand service reçu, allait demeurer incorruptible ? Cela, dès lors, les hanta. Leur attente recommençait.

— Je ne t’ai pas encore dit, reprit-elle après un