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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/42

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subit l’idée de liberté permet tous les espoirs. Sur le terrain économique, le parti libéral semble vaincu. Les travailleurs, mécontents de 89, se plaignent de leur misère aggravée, s’agitent, cherchent le bonheur désespérément. D’autre part, les régimes nouveaux ont accru la puissance internationale de l’Église, les membres catholiques sont en nombre dans les parlements des républiques et des monarchies constitutionnelles. Toutes les circonstances paraissent donc favoriser cette extraordinaire fortune du catholicisme vieillissant, repris d’une vigueur de jeunesse. Jusqu’à la science qu’on accuse de banqueroute, ce qui sauve du ridicule le Syllabus, trouble les intelligences, rouvre le champ illimité du mystère et de l’impossible. Et, alors, on rappelle une prophétie qui a été faite, la papauté maîtresse de la terre, le jour où elle marcherait à la tête de la démocratie, après avoir réuni les Églises schismatiques d’Orient à l’Église catholique, apostolique et romaine. Les temps étaient sûrement venus, puisque le pape, donnant congé aux grands et aux riches de ce monde, laissait à l’exil les rois chassés du trône, pour se remettre, comme Jésus, avec les travailleurs sans pain et les mendiants des routes. Encore peut-être quelques années de misère affreuse, d’inquiétante confusion, d’effroyable danger social, et le peuple, le grand muet dont on a disposé jusqu’ici, parlera, retournera au berceau, à l’Église unifiée de Rome, pour éviter la destruction menaçante des sociétés humaines.

Et Pierre terminait son livre par une évocation passionnée de la Rome nouvelle, de la Rome spirituelle qui régnerait bientôt sur les peuples réconciliés, fraternisant dans un autre âge d’or. Il y voyait même la fin des superstitions, il s’était oublié, sans aucune attaque directe aux dogmes, jusqu’à faire le rêve du sentiment religieux élargi, affranchi des rites, tout entier à l’unique satisfaction de la charité humaine ; et, encore blessé de son voyage à Lourdes, il avait cédé au besoin de contenter