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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/422

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— En effet, je me permets de venir demander des conseils à la haute sagesse de Votre Éminence. Elle n’ignore pas que je suis à Rome pour défendre mon livre, et je serais très heureux, si elle voulait bien me diriger, m’aider de son expérience.

Brièvement, il dit où en était l’affaire, il plaida sa cause. Mais, à mesure qu’il parlait, il voyait le cardinal se désintéresser, songer à autre chose, ne plus comprendre.

— Ah ! oui, vous avez écrit un livre, il en a été question un soir, chez donna Serafina… C’est une faute, un prêtre ne doit pas écrire. À quoi bon ?… Et, si la congrégation de l’Index le poursuit, elle a raison sûrement. Que puis-je y faire ? Je ne suis pas membre de la congrégation, je ne sais rien, rien du tout.

Vainement, Pierre s’efforça de l’instruire, de l’émouvoir, désolé de le sentir si fermé, si indifférent. Et il s’aperçut que cette intelligence, vaste et pénétrante dans le domaine où elle évoluait depuis quarante ans, se bouchait dès qu’on la sortait de sa spécialité. Elle n’était ni curieuse ni souple. Les yeux achevaient de se vider de toute étincelle de vie, le crâne semblait se déprimer encore, la physionomie entière prenait un air d’imbécillité morne.

— Je ne sais rien, je ne puis rien, répéta-t-il. Et jamais je ne recommande personne.

Pourtant, il fit un effort.

— Mais Nani est là dedans. Que vous conseille-t-il de faire, Nani ?

— Monsignor Nani a eu l’obligeance de me révéler le nom du rapporteur, monsignor Fornaro, en me faisant dire d’aller le voir.

Le cardinal parut surpris et comme réveillé. Un peu de lumière revint à ses yeux.

— Ah ! vraiment, ah ! vraiment… Eh bien ! pour que Nani ait fait cela, c’est qu’il a son idée. Allez voir monsignor Fornaro.