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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/427

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Cette fois, monsignor Fornaro sembla très heureux d’abonder dans son sens.

— Vous avez raison, nous savons bien que nous ne pouvons atteindre tous les mauvais livres, nous en sommes désolés. Il faut songer au nombre incalculable d’ouvrages que nous serions forcés de lire. Alors, n’est-ce pas ? nous condamnons les pires en bloc.

Il entra dans des explications complaisantes. En principe, les imprimeurs ne devaient pas mettre un livre sous presse, sans en avoir au préalable soumis le manuscrit à l’approbation de l’évêque. Mais, aujourd’hui, dans l’effroyable production de l’imprimerie, on comprend quel serait l’embarras terrible des évêchés, si, brusquement, les imprimeurs se conformaient à la règle. On n’y avait ni le temps, ni l’argent, ni les hommes nécessaires, pour cette colossale besogne. Aussi la congrégation de l’Index condamnait-elle en masse, sans avoir à les examiner, les livres parus ou à paraître de certaines catégories : d’abord tous les livres dangereux pour les mœurs, tous les livres érotiques, tous les romans ; ensuite, les Bibles en langue vulgaire, car les saints livres ne doivent pas être permis sans discrétion ; enfin les livres de sorcellerie, les livres de science, d’histoire ou de philosophie contraires au dogme, les livres d’hérésiarques ou de simples ecclésiastiques discutant la religion. C’étaient là des lois sages, rendues par différents papes, dont l’exposé servait de préface au catalogue des livres défendus que la congrégation publiait, et sans lesquelles ce catalogue, pour être complet, aurait empli à lui seul une bibliothèque. En somme, lorsqu’on le feuilletait, on s’apercevait que l’interdiction frappe surtout des livres de prêtres, Rome ne gardant guère, devant la difficulté et l’énormité de la tâche, que le souci de veiller avec soin à la bonne police de l’Église. Et tel était le cas de Pierre et de son œuvre.

— Vous comprenez, continua monsignor Fornaro, que nous n’allons pas faire de la réclame à un tas de livres