et enfin place d’Espagne, il résolut de voir encore le père Dangelis. Le couvent des Dominicains est là, en bas de la Trinité des Monts.
Ah ! ces Dominicains, il n’avait jamais songé à eux, sans un respect mêlé d’un peu d’effroi. Pendant des siècles, quels vigoureux soutiens ils s’étaient montrés de l’idée autoritaire et théocratique ! L’Église leur avait dû sa plus solide autorité, ils étaient les soldats glorieux de sa victoire. Tandis que saint François conquérait pour Rome les âmes des humbles, saint Dominique lui soumettait les âmes des intelligents et des puissants, toutes les âmes supérieures. Et cela passionnément, dans une flamme de foi et de volonté admirables, par tous les moyens d’action possibles, par la prédication, par le livre, par la pression policière et judiciaire. S’il ne créa pas l’Inquisition, il l’utilisa, son cœur de douceur et de fraternité combattit le schisme dans le sang et le feu. Vivant, lui et ses moines, de pauvreté, de chasteté et d’obéissance, les grandes vertus de ces temps orgueilleux et déréglés, il allait par les villes, prêchait les impies, s’efforçait de les ramener à l’Église, les déférait aux tribunaux religieux, quand sa parole ne suffisait pas. Il s’attaquait aussi à la science, il la voulut sienne, il fit le rêve de défendre Dieu par les armes de la raison et des connaissances humaines, aïeul de l’angélique saint Thomas, lumière du moyen âge, qui a tout mis dans la Somme, la psychologie, la logique, la politique, la morale. Et ce fut ainsi que les Dominicains emplirent le monde, soutenant la doctrine de Rome dans les chaires célèbres de tous les peuples, en lutte presque partout contre l’esprit libre des universités, vigilants gardiens du dogme, artisans infatigables de la fortune des papes, les plus puissants parmi les ouvriers d’art, de sciences et de lettres, qui ont construit l’énorme édifice du catholicisme, tel qu’il existe encore aujourd’hui.
Mais, aujourd’hui, Pierre, qui le sentait crouler, cet édifice qu’on avait cru bâti à chaux et à sable, pour l’éternité,