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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/432

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se demandait de quelle utilité ils pouvaient bien être encore, ces ouvriers d’un autre âge, avec leur police et leurs tribunaux morts sous l’exécration, leur parole qu’on n’écoute plus, leurs livres qu’on ne lit guère, leur rôle de savants et de civilisateurs fini, devant la science actuelle, dont les vérités font de plus en plus craquer le dogme de toutes parts. Certes, ils constituent toujours un ordre influent et prospère ; seulement, qu’on est loin de l’époque où leur général régnait à Rome, maître du sacré palais, ayant par l’Europe entière des couvents, des écoles, des sujets ! Dans la curie romaine, de ce vaste héritage, il ne leur reste désormais que quelques situations acquises et, entre autres, la charge de secrétaire de la congrégation de l’Index, une ancienne dépendance du Saint-Office, où ils gouvernaient souverainement.

Tout de suite, on introduisit Pierre auprès du père Dangelis. La salle était vaste, nue et blanche, inondée de clair soleil. Il n’y avait là qu’une table et des escabeaux, avec un grand crucifix de cuivre, pendu au mur. Près de la table, le père se tenait debout, un homme d’environ cinquante ans, très maigre, drapé sévèrement de l’ample costume blanc et noir. Dans sa longue face d’ascète, à la bouche mince, au nez mince, au menton mince et têtu, les yeux gris avaient une fixité gênante. Et, d’ailleurs, il se montra très net, très simple, d’une politesse glaciale.

— Monsieur l’abbé Froment, l’auteur de La Rome Nouvelle, n’est-ce pas ?

Et il s’assit sur un escabeau, en indiqua un autre de la main.

— Veuillez, monsieur l’abbé, me faire connaître l’objet de votre visite.

Pierre, alors, dut recommencer ses explications, sa défense ; et cela ne tarda pas à lui devenir d’autant plus pénible, que ses paroles tombaient dans un silence, dans un froid de mort. Le père ne bougeait pas, les mains