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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/435

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qu’ils se trouvèrent assis tous les deux au fond de cette pièce pâle, dont le papier gris de lin, les meubles dépareillés, le carreau et les murs nus avaient la mélancolie des vieilles choses fanées, Pierre remarqua que l’abbé était en proie à un accès de fièvre plus intense que de coutume. Son petit corps maigre grelottait, et jamais ses yeux de braise n’avaient brûlé si noirs, dans sa pauvre face jaune et ravagée.

— Est-ce que vous êtes souffrant ? Je n’entends pas vous fatiguer.

— Souffrant, ah ! oui, ma chair est en feu. Mais, au contraire, je veux parler… Je n’en puis plus, je n’en puis plus ! Il faut bien qu’un jour ou l’autre on se soulage.

Était-ce de son mal qu’il désirait se distraire ? Était-ce son long silence qu’il voulait rompre, pour ne pas en mourir étouffé ? Tout de suite, il se fit raconter les démarches des derniers jours, il s’agita davantage, lorsqu’il sut de quelle façon le cardinal Sarno, monsignor Fornaro et le père Dangelis avaient reçu le visiteur.

— C’est bien cela ! c’est bien cela ! rien ne m’étonne plus, et cependant je m’indigne pour vous, oui ! ça ne me regarde pas et ça me rend malade, car ça réveille toutes mes misères, à moi !… Il faut ne pas compter le cardinal Sarno, qui vit autre part, toujours très loin, et qui n’a jamais aidé personne. Mais ce Fornaro, ce Fornaro !

— Il m’a paru fort aimable, plutôt bienveillant, et je crois en vérité qu’à la suite de notre entrevue, il adoucira beaucoup son rapport.

— Lui ! il va d’autant plus vous charger, qu’il s’est montré plus tendre. Il vous mangera, il s’engraissera de cette proie facile. Ah ! vous ne le connaissez guère, si délicieux, et sans cesse aux aguets pour bâtir sa fortune avec les malheurs des pauvres diables, dont il sait que la défaite doit être agréable aux puissants !… J’aime mieux l’autre, le père Dangelis, un terrible homme, mais franc