Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/439

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moderne, limitant de plus en plus son champ d’action, s’en tenant à l’unique examen des œuvres d’ecclésiastiques, et là encore corrompu dans son rôle, gâté par les pires passions, changé en un instrument d’intrigues, de haine et de vengeance. Ah ! cette misère de ruine, cet aveu de vieillesse infirme, de paralysie générale et croissante, au milieu de l’indifférence railleuse des peuples ! Le catholicisme, l’ancien agent glorieux de civilisation, en être venu là, à jeter au feu de son enfer les livres en tas, et quel tas ! presque toute la littérature, l’histoire, la philosophie, la science des siècles passés et du nôtre ! Peu de livres se publient à cette heure, qui ne tomberaient sous les foudres de l’Église. Si elle paraît fermer les yeux, c’est afin d’éviter l’impossible besogne de tout poursuivre et de tout détruire ; et elle s’entête pourtant à conserver l’apparence de sa souveraine autorité sur les intelligences, telle qu’une reine très ancienne, dépossédée de ses États, désormais sans juges ni bourreaux, qui continuerait à rendre de vaines sentences, acceptées par une minorité infime. Mais qu’on la suppose un instant victorieuse, maîtresse par un miracle du monde moderne, et qu’on se demande ce qu’elle ferait de la pensée humaine, avec des tribunaux pour condamner, des gendarmes pour exécuter. Qu’on suppose les règles de l’Index appliquées strictement, un imprimeur ne pouvant rien mettre sous presse sans l’approbation de l’évêque, tous les livres déférés ensuite à la congrégation, le passé expurgé, le présent garrotté, soumis au régime de la terreur intellectuelle. Ne serait-ce pas la fermeture des bibliothèques, le long héritage de la pensée écrite mis au cachot, l’avenir barré, l’arrêt total de tout progrès et de toute conquête ? De nos jours, Rome est là comme un terrible exemple de cette expérience désastreuse, avec son sol refroidi, sa sève morte, tuée par des siècles de gouvernement papal, Rome devenue si infertile, que pas un homme, pas une œuvre n’a pu y