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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/447

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pouvait supposer qu’il voulait hâter le mariage de Benedetta et de Dario, pour mettre fin aux commérages abominables du monde blanc, qui accusait le cousin et la cousine de n’avoir qu’un lit, au palais, sous l’œil plein d’indulgence de leur oncle, le cardinal. Ou peut-être ce divorce, obtenu à prix d’argent et sous la pression des influences les plus notoires, était-il un scandale volontaire, traîné en longueur, précipité à présent, pour nuire au cardinal lui-même, dont les Jésuites devaient avoir besoin de se débarrasser, dans une circonstance prochaine.

— J’incline assez à cette supposition, conclut don Vigilio, d’autant plus que j’ai appris ce soir que le pape était souffrant. Avec un vieillard de quatre-vingt-quatre ans bientôt, une catastrophe soudaine est possible, et le pape ne peut plus avoir un rhume, sans que tout le Sacré Collège et la prélature soient en l’air, bouleversés par la brusque bataille des ambitions… Or les Jésuites ont toujours combattu la candidature du cardinal Boccanera. Ils devraient être pour lui, pour son rang, pour son intransigeance à l’égard de l’Italie ; mais ils sont inquiets à l’idée de se donner un tel maître, ils le trouvent d’une rudesse intempestive, d’une foi violente, sans souplesse, trop dangereuse aujourd’hui, en ces temps de diplomatie que traverse l’Église… Et je ne serais aucunement étonné qu’on cherchât à le déconsidérer, à rendre sa candidature impossible, par les moyens les plus détournés et les plus honteux.

Pierre commençait à être envahi d’un petit frisson de peur. La contagion de l’inconnu, des noires intrigues tramées dans l’ombre, agissait, au milieu du silence de la nuit, au fond de ce palais, près de ce Tibre, dans cette Rome toute pleine des drames légendaires. Et il fit un brusque retour sur lui-même, sur son cas personnel.

— Mais moi, là-dedans, moi ! pourquoi monsignor