Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/454

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— Savez-vous de qui est cette vieille peinture ? Elle me remué jusqu’à l’âme, ainsi qu’un chef-d’œuvre.

Stupéfait de cette question imprévue, qui tombait là sans transition aucune, le prêtre leva la tête, regarda, s’étonna davantage quand il eut examiné le panneau noirci, délaissé, dans son cadre pauvre.

— D’où vient-elle, savez-vous ? répéta Pierre. Comment se fait-il qu’on l’ait reléguée au fond de cette chambre ?

— Oh ! dit-il, avec un geste d’indifférence, ce n’est rien, il y a comme ça partout des peintures anciennes sans valeur… Celle-ci a toujours été là sans doute. Je ne sais pas, je ne l’avais même pas vue.

Enfin, il s’était levé avec prudence. Mais ce simple mouvement venait de lui donner un tel frisson, qu’il put à peine prendre congé, les dents claquant de fièvre.

— Non, ne me reconduisez pas, laissez la lampe dans cette pièce… Et, pour conclure, le mieux serait encore de vous abandonner aux mains de monsignor Nani, car celui-là, au moins, est supérieur. Je vous l’ai dit, dès votre arrivée, que vous le vouliez ou non, vous finirez par faire ce qu’il voudra. Alors, à quoi bon lutter ?… Et jamais un mot de notre conversation de cette nuit, ce serait ma mort !

Il rouvrit les portes sans bruit, regarda avec méfiance, à droite, à gauche, dans les ténèbres du couloir, puis se hasarda, disparut, rentra chez lui si doucement, qu’on n’entendit même point l’effleurement de ses pieds, au milieu du sommeil de tombe de l’antique palais.

Le lendemain, Pierre, repris d’un besoin de lutte, et qui voulait tout essayer, se fit recommander par don Vigilio au confesseur du pape, à ce père Franciscain que le secrétaire connaissait un peu. Mais il tomba sur un bon moine, l’homme le plus timoré, évidemment choisi très modeste et très simple, sans influence aucune, pour qu’il n’abusât point de sa situation toute puissante près du Saint-Père. Il y avait aussi une humilité affectée, de la part de celui-ci,