Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/455

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à n’avoir pour confesseur que le plus humble des réguliers, l’ami des pauvres, le saint mendiant des routes. Ce père jouissait pourtant d’une renommée d’orateur plein de foi, le pape assistait à ses sermons, caché selon la règle derrière un voile ; car, si, comme Souverain Pontife infaillible, il ne pouvait recevoir la leçon d’aucun prêtre, on admettait que, comme homme, il tirât quand même profit de la bonne parole. En dehors de son éloquence naturelle, le bon père était vraiment un simple blanchisseur d’âmes, le confesseur qui écoute et qui absout, sans se souvenir des impuretés qu’il lave, aux eaux de la pénitence. Et Pierre, à le voir si réellement pauvre et nul, n’insista pas sur une intervention qu’il sentait inutile.

Ce jour-là, la figure de l’amant ingénu de la Pauvreté, du délicieux François, comme disait Narcisse Habert, le hanta jusqu’au soir. Souvent il s’était étonné de la venue de ce nouveau Jésus, si doux aux hommes, aux bêtes et aux choses, le cœur enflammé d’une si brûlante charité pour les misérables, dans cette Italie d’égoïsme et de jouissance, où la joie de la beauté est seule restée reine. Sans doute les temps sont changés, et quelle sève d’amour il a fallu, aux temps anciens, pendant les grandes souffrances du moyen âge, pour qu’un tel consolateur des humbles, poussé du sol populaire, se mît à prêcher le don de soi-même aux autres, le renoncement aux richesses, l’horreur de la force brutale, l’égalité et l’obéissance qui devaient assurer la paix du monde. Il marchait par les chemins, vêtu ainsi que les plus pauvres, une corde serrant à ses reins la robe grise, des sandales à ses pieds nus, sans bourse ni bâton. Et ils avaient, lui et ses frères, le verbe haut et libre, d’une verdeur de poésie, d’une hardiesse de vérité souveraines, se faisant justiciers partout, attaquant les riches et les puissants, osant dénoncer les mauvais prêtres, les évêques débauchés, simoniaques et parjures. Un long cri de soulagement les accueillait, le peuple les suivait en foule, ils étaient les