Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/472

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Il était redescendu près de la gare, dans les terrains bas, d’anciennes vignes où tout un mouvement de constructions nouvelles s’était produit depuis quelques années ; et il fut surpris de voir une victoria, très correctement attelée de deux chevaux, qui venait de Rome, s’arrêter près de lui, et de s’entendre appeler par son nom.

— Comment ! monsieur l’abbé Froment, vous ici en promenade, de si bonne heure !

Alors, il reconnut le comte Prada qui, étant descendu, laissa la voiture vide achever la route, tandis qu’il faisait à pied les deux ou trois derniers cents mètres, à côté du jeune prêtre. Après une cordiale poignée de main, il expliqua son goût.

— Oui, je me sers rarement du chemin de fer, je viens en voiture. Ça promène mes chevaux… Vous savez que j’ai des intérêts par ici, toute une affaire de constructions, qui malheureusement ne va pas très bien. Et c’est pourquoi, malgré la saison avancée, je suis encore forcé d’y venir plus souvent que je ne voudrais.

Pierre, en effet, savait cette histoire. Les Boccanera avaient dû vendre la villa somptueuse, bâtie là par un cardinal, leur ancêtre sur les plans de Jacques de la Porte, dans la seconde moitié du seizième siècle : une demeure d’été royale, d’admirables ombrages, des charmilles, des bassins, des cascades, surtout une terrasse, célèbre entre toutes celles du pays, qui s’avançait comme un cap, au-dessus de la Campagne romaine, dont l’immensité sans fin va des montagnes de la Sabine aux sables de la Méditerranée. Et, dans le partage, Benedetta tenait de sa mère de vastes champs de vignes, en bas de Frascati, qu’elle avait apportés en dot à Prada, au moment où la folie de la pierre soufflait de Rome sur les provinces. Aussi Prada avait-il eu l’idée de construire là tout un quartier de villas bourgeoises, dans le goût de celles qui encombrent la banlieue de Paris. Mais peu d’acheteurs