Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/484

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parfaite, il s’émerveilla de la volonté que cet homme devait avoir, pour paraître si calme, si dévoué aux affaires des autres, lorsqu’un tel vent de tempête soufflait en lui.

— Votre Éminence daignera donc me pardonner…

— Mais vous avez bien fait de venir, puisque ma santé chancelante me retient ici… Je vais un peu mieux, d’ailleurs, et il est très naturel que vous désiriez me fournir des explications, défendre votre œuvre, éclairer mon jugement. Même je m’étonnais de ne pas vous avoir encore vu, car je sais que votre foi est grande et que vous n’épargnez pas vos démarches pour convertir vos juges… Parlez, cher fils, je vous écoute, de toute la bonne joie que j’aurais à vous absoudre.

Et Pierre se laissa prendre à ces bienveillantes paroles. Un espoir lui revint, celui de gagner à sa cause le préfet de l’Index, tout-puissant. Il le jugeait déjà d’une intelligence rare, d’une cordialité exquise, cet ancien nonce qui avait appris, à Bruxelles d’abord, puis à Vienne, l’art mondain de renvoyer ravis, les gens qu’il bernait, en leur promettant tout, sans leur rien accorder. Aussi retrouva-t-il une fois encore sa flamme d’apôtre, pour exposer ses idées sur la Rome de demain, la Rome qu’il rêvait, de nouveau maîtresse du monde, si elle revenait au christianisme de Jésus, dans l’ardent amour des petits et des humbles.

Sanguinetti souriait, hochait doucement la tête, s’exclamait de ravissement.

— Très bien, très bien ! c’est parfait… Ah ! je pense comme vous cher fils ! On ne peut mieux dire… Mais c’est l’évidence même, vous êtes là avec tous les bons esprits.

Puis, tout le côté poésie le touchait profondément, disait-il. Il aimait à passer, comme Léon XIII, par rivalité sans doute, pour un latiniste des plus distingués, et il avait voué à Virgile une tendresse spéciale et sans bornes.