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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/483

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pelle d’un enfant. Déjà, il rêvait du conclave, lorsque les dais des autres cardinaux s’abattraient, et que le sien, immobile, souverain, le couronnerait de pourpre.

— Mais vous avez raison, mon cher, s’écria-t-il en s’adressant à Santobono, il faut agir, c’est pour le salut de l’Église… Et puis, il n’est pas possible que le ciel ne soit pas avec nous, qui voulons uniquement son triomphe. S’il le faut, au moment suprême, il saura bien foudroyer l’Antéchrist.

Alors, pour la première fois, Pierre entendit nettement Santobono, qui disait d’une voix rude, avec une sorte de sauvage décision :

— Oh ! si le ciel tarde, on l’aidera !

Puis, ce fut tout, il ne saisit plus qu’un murmure confus. Le balcon était vide, et son attente recommença, dans le salon ensoleillé, d’une gaieté calme et délicieuse. Brusquement, la porte du cabinet de travail s’ouvrit toute grande, un domestique l’introduisit ; et il fut étonné de trouver le cardinal seul, sans avoir vu sortir les deux prêtres, qui s’en étaient allés par une autre porte.

Dans la vive lumière blonde, le cardinal était debout près d’une fenêtre, avec sa face colorée au nez fort, aux grosses lèvres, son air de jeunesse trapue et vigoureuse, malgré ses soixante ans. Il avait repris le sourire paternel dont il accueillait les plus humbles, par bonne politique. Et, tout de suite, dès que Pierre se fut incliné et eut baisé l’anneau, il lui indiqua une chaise.

— Asseyez-vous, cher fils, asseyez-vous… Voyons, vous venez pour cette malheureuse affaire de votre livre. Je suis bien heureux, bien heureux d’en causer avec vous.

Lui-même avait pris une chaise, devant cette fenêtre ouverte sur Rome, dont il semblait ne pouvoir s’éloigner. Le prêtre s’aperçut qu’il ne l’écoutait guère, les yeux de nouveau là-bas, vers la proie si chaudement désirée, pendant qu’il s’excusait d’être venu le troubler dans son repos. Pourtant, l’apparence d’aimable attention était