Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/495

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piqûres de l’aiguillon ; tandis qu’un fermier, lancé au galop d’un petit cheval rouge, achevait de donner son coup d’œil du soir, à travers les terres labourées. La route par moments se peuplait. Un biroccino, très légère voiture à deux grandes roues, avec un simple siège posé sur l’essieu, venait de filer comme le vent. De temps à autre, la victoria dépassait un carrotino, la charrette basse, dans laquelle le paysan, abrité sous une sorte de tente aux couleurs vives, apportait à Rome le vin, les légumes, les fruits des Châteaux romains. On entendait de loin les clochettes grêles des chevaux, s’en allant d’eux-mêmes, par le chemin bien connu, pendant que le paysan d’ordinaire dormait à poings fermés. Des femmes rentraient par groupes de trois ou quatre, la jupe relevée, les cheveux nus et noirs, avec des fichus écarlates. Et la route se vidait ensuite, et le désert se faisait de plus en plus, sans un passant, sans une bête, pendant des kilomètres, sous le ciel rond et infini, où descendait le soleil oblique, là-bas, au bout de cette mer vide, d’une monotonie grandiose et triste.

— Et le pape, l’abbé ? demanda soudain Prada ; est-il mort ?

Santobono ne s’effara même pas.

— J’espère bien, dit-il simplement, que Sa Sainteté a encore de longs jours à vivre, pour le triomphe de l’Église.

— Alors, vous avez eu de bonnes nouvelles, ce matin, chez votre évêque, le cardinal Sanguinetti ?

Cette fois, le curé ne put réprimer un léger tressaillement. On l’avait donc vu ? Lui, dans sa hâte, n’avait pas remarqué ces deux passants, qui venaient derrière son dos, sur la route.

— Oh ! répondit-il, en se remettant tout de suite, on ne sait jamais au juste si les nouvelles sont bonnes ou mauvaises… Il paraît que Sa Sainteté a passé une assez pénible nuit, et je fais des vœux pour que la nuit prochaine soit meilleure.