Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/497

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peu, cédait à sa flamme intérieure. Et cet interrogatoire l’acheva, il ne put se contenir davantage.

— Moretta, allons donc ! il est vendu à toute l’Europe !

— Sera-ce le cardinal Bartolini ?

— Vous n’y pensez pas !… Bartolini ! mais il s’est usé à tout vouloir et à ne jamais rien obtenir !

— Alors, sera-ce le cardinal Dozio ?

— Dozio, Dozio ! Ah ! si Dozio l’emportait, ce serait à désespérer de notre sainte Église, car il n’y a pas d’esprit plus bas ni plus méchant ! »

Prada leva les mains, comme s’il était à bout de candidats sérieux. Il mettait un malin plaisir à ne pas nommer le cardinal Sanguinetti, le candidat certain du curé, pour exaspérer celui-ci davantage. Puis, soudain, il parut avoir trouvé, il s’écria gaiement :

— Ah ! j’y suis, je connais votre homme… Le cardinal Boccanera !

Du coup, Santobono fut touché en plein cœur, dans sa rancune, dans sa foi de patriote. Déjà, sa bouche terrible s’ouvrait, il allait crier non, non ! de toute sa force. Mais il parvint à retenir le cri, réduit au silence, avec son cadeau sur les genoux, ce petit panier de figues, que ses deux mains serrèrent, à le briser ; et l’effort qu’il dut faire, le laissa si frémissant, qu’il fut forcé d’attendre, avant de répondre d’une voix calmée :

— Son Éminence Révérendissime le cardinal Boccanera est un saint homme, digne du trône, et je craindrais seulement qu’il n’apportât la guerre, dans sa haine contre notre Italie nouvelle.

Mais Prada voulut aggraver la blessure.

— Enfin, celui-ci, vous l’acceptez, vous l’aimez trop pour ne pas vous réjouir de ses chances. Et je crois que, cette fois, nous sommes dans le vrai, car tout le monde est convaincu que le conclave n’en peut nommer un autre… Allons, il est très grand, ce sera la grande soutane blanche qui servira.