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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/524

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Il sent sa fortune morte, il n’ose la risquer ni dans l’industrie ni dans les affaires, il la voit déjà émiettée entre ses cinq enfants, qui l’émietteront à leur tour ; et c’est pourquoi il s’est mis du côté du roi, sans vouloir rompre avec le pape, par prudence… Aussi voyez-vous, dans ce salon, l’image exacte de la débâcle, du pêle-mêle qui règne dans les opinions et dans les idées du prince.

Il s’interrompit, pour nommer des personnages qui entraient.

— Tenez ! voici un général, très aimé, depuis sa dernière campagne en Afrique. Nous aurons ce soir beaucoup de militaires, tous les supérieurs d’Attilio, qu’on a invités pour faire un entourage de gloire au jeune homme… Et tenez ! voici l’ambassadeur d’Allemagne. Il est à croire que le corps diplomatique viendra presque en entier, à cause de la présence de Leurs Majestés… Et, par opposition, vous voyez bien ce gros homme, là-bas ? C’est un député fort influent, un enrichi de la bourgeoisie nouvelle. Il n’était encore, il y a trente ans, qu’un fermier du prince Albertini, un de ces mercanti di campagna, qui battaient la Campagne romaine, en bottes fortes et en chapeau mou… Et, maintenant, regardez ce prélat qui entre…

— Celui-ci, je le connais, dit Pierre. C’est monsignor Fornaro.

— Parfaitement, monsignor Fornaro, un personnage. Vous m’avez en effet conté qu’il est rapporteur, dans l’affaire de votre livre… Un prélat délicieux ! Avez-vous remarqué de quelle révérence il vient de saluer la princesse ? Et quelle noble allure, quelle grâce, sous son petit manteau de soie violette !

Narcisse continua à énumérer ainsi des princes et des princesses, des ducs et des duchesses, des hommes politiques et des fonctionnaires, des diplomates et des ministres, des bourgeois et des officiers, le plus incroyable tohu-bohu, sans compter la colonie étrangère, des Anglais,