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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/530

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— Que de monde ! répéta-t-il, et que de belles personnes ! On ne va bientôt plus pouvoir circuler dans ce salon.

Maintenant, tous les sièges y étaient occupés par des dames, et l’on commençait à y étouffer, au milieu de ce parfum de violettes, que chauffait la fauve odeur des nuques blondes ou brunes. Les éventails battaient plus vifs, des rires clairs s’élevaient, dans le brouhaha grandissant, toute une rumeur de conversation, où l’on entendait circuler les mêmes mots. Quelque nouvelle, sans doute, venait d’être apportée, un bruit qui se chuchotait, qui jetait la fièvre de groupe en groupe.

Monsignor Fornaro, très au courant, voulut donner lui-même la nouvelle, qu’on ne disait pas encore à voix haute.

— Vous savez ce qui les passionne toutes ?

— La santé du Saint-Père ? demanda Pierre, dans son inquiétude. Est-ce que la situation s’est encore aggravée ce soir ?

Le prélat le regarda, étonné. Puis, avec une sorte d’impatience :

— Oh ! non, oh ! non, Sa Sainteté va beaucoup mieux, Dieu merci ! Quelqu’un du Vatican me disait tout à l’heure qu’elle avait pu se lever, cette après-midi, et recevoir ses intimes, ainsi qu’à l’habitude.

— On a eu tout de même grand'peur, interrompit à son tour Narcisse. À l’ambassade, j’avoue que nous n’étions pas rassurés, parce qu’un conclave, en ce moment, serait une chose grave pour la France. Elle n’y aurait aucun pouvoir, notre gouvernement républicain a tort de traiter la papauté comme une quantité négligeable… Seulement, sait-on jamais si le pape est malade ou non ? J’ai appris d’une façon certaine qu’il a failli être emporté, l’autre hiver, lorsque personne n’en soufflait mot ; tandis que, la dernière fois, lorsque tous les journaux le tuaient, en parlant d’une bronchite, je l’ai vu, moi qui