Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/531

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vous parle, très gaillard et très gai… Il est malade, quand il le faut, je crois.

D’un geste pressé, monsignor Fornaro écarta ce sujet importun.

— Non, non, on est rassuré, on n’en cause déjà plus… Ce qui passionne toutes ces dames, c’est qu’aujourd’hui la congrégation du Concile a voté l’annulation du mariage, dans l’affaire Prada, à une grosse majorité.

De nouveau, Pierre s’émut. N’ayant eu le temps de voir personne au palais Boccanera, à son retour de Frascati, il craignait que la nouvelle ne fût fausse. Et le prélat crut devoir donner sa parole d’honneur.

— La nouvelle est certaine, je la tiens d’un membre de la congrégation.

Mais, brusquement, il s’excusa, s’échappa.

— Pardon ! voici une dame que je n’avais pas aperçue et que je désire saluer.

Tout de suite, il courut, s’empressa devant elle. Ne pouvant s’asseoir, il resta debout, courbant sa grande taille, comme s’il eût enveloppé de sa galante courtoisie la jeune femme, si fraîche, si nue, qui riait d’un si beau rire, sous l’effleurement léger du petit manteau de soie violette.

— Vous connaissez cette dame, n’est-ce pas ? demanda Narcisse à Pierre. Non ! vraiment ?… C’est la bonne amie du comte Prada, la toute charmante Lisbeth Kauffmann, qui vient de lui donner un gros garçon, et qui reparaît ce soir pour la première fois dans le monde… Vous savez qu’elle est Allemande, qu’elle a perdu ici son mari, et qu’elle peint un peu, assez joliment même. On pardonne beaucoup à ces dames de la colonie étrangère, et celle-ci est particulièrement aimée, pour la belle humeur avec laquelle elle reçoit, dans son petit palais de la rue du Prince-Amédée… Vous pensez si la nouvelle qui circule de l’annulation du mariage, doit l’amuser !

Elle était vraiment exquise, cette Lisbeth, très blonde,