Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/555

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d’eux tranquillement, car ils ont commis cette nuit, en se montrant de la sorte, une abomination d’une impudence et d’une cruauté rares !

Ses mains tremblaient, il murmura encore :

— Bon voyage, bon voyage au jeune homme, puisqu’il part pour Naples !… Oui, j’ai entendu dire à Celia qu’il partait ce soir, à six heures, pour Naples. Eh bien ! que mes vœux l’accompagnent, bon voyage !

Dehors, les deux hommes eurent une sensation délicieuse, au sortir de la chaleur étouffante des salles, en entrant dans l’admirable nuit, limpide et froide. C’était une nuit de pleine lune superbe, une de ces nuits de Rome, où la ville dort sous le ciel immense, dans une clarté élyséenne, comme bercée d’un rêve d’infini. Et ils prirent le beau chemin, ils descendirent le Corso, suivirent ensuite le cours Victor-Emmanuel.

Prada s’était un peu calmé, mais il restait ironique, il parlait pour s’étourdir sans doute, avec une abondance fiévreuse, revenant aux femmes de Rome, à cette fête qu’il avait trouvée splendide, et qu’il raillait maintenant.

— Oui, elles ont de belles robes, mais qui ne leur vont pas, des robes qu’elles font venir de Paris, et qu’elles n’ont pu naturellement essayer. C’est comme leurs bijoux, elles ont encore des diamants et surtout des perles de toute beauté, mais montés si lourdement, qu’ils sont affreux en somme. Et si vous saviez leur ignorance, leur frivolité, sous leur apparente morgue ! Tout est chez elles en surface, même la religion : dessous, il n’y a rien, qu’un vide insondable. Je les regardais, au buffet, manger à belles dents. Ah ! pour ça, elles ont un vigoureux appétit ! Remarquez que, ce soir, les invités se sont conduits assez bien, on n’a pas trop dévoré. Mais, si vous assistiez à un bal de la cour, vous verriez un pillage sans nom, le buffet assiégé, les plats engloutis, une bousculade d’une voracité extraordinaire !

Pierre ne répondait que par des monosyllabes. Il était